Avant de passer à la deuxième partie dédiée au quotidien d’un migrant, j’aimerais encore faire quelques témoignages qui me tenaient à cœur sur la vie des militaires et leurs proches et également analyser de plus près l’inefficacité du modèle démocratique que nous avons en RD Congo.
Lorsqu’on habitait dans un camp militaire à Moanda, je devais avoir une quinzaine d'années, je croisais régulièrement un jeune militaire. À chaque fois que je le voyais, il avait le visage fermé, triste, pensif. Un jour, alors que je me promenais avec un capitaine qui avait l’habitude de venir chez nous, je le vois assis sous un arbre. En rigolant, je dis au capitaine, regarde ce type, je ne l’ai jamais vu sourire. Le capitaine m’a ainsi appris que ce jeune se faisait appeler Sura Mubaya (en swahili “visage laid”). Il venait de l’Est. Il avait perdu toute sa famille à cause de la guerre et donc n’avait plus eu d’autre choix que de se faire enrôler dans l’armée.
Toujours à l'époque où on habitait dans un camp militaire, l’unité dont faisait partie mon père avait été appelée un jour pour intervenir à l’Est. Un soir, on venait de jouer au foot avec des copains et les enfants rentraient tranquillement chez eux, quand un papa est venu annoncer que cette unité était tombée dans une embuscade et qu’il y avait eu des morts. Toutes les familles s’étaient alors réunies chez nous pour prendre des nouvelles des proches qui faisaient partie de cette mission. Parmi les militaires tombés ce jour-là, il y avait deux papas que je connaissais très bien. J’ai encore l’image de leur femme et enfants qui fondaient en larme. On se serait cru dans un film, tout paraissait irréel.
Sachant la précarité dans laquelle vivent les veuves et orphelins des familles des militaires, je me demande aujourd’hui ce qu’ils sont devenus…
Voici encore quelque chose qui me révolte :
En RD Congo, les militaires risquent leur vie chaque jour pour protéger les frontières de ce pays convoité par le monde entier à cause de ses richesses géologiques. Pourtant, une fois ces militaires tombés au front, leurs familles sont presque oubliées. Les veuves reçoivent à peine quelques dizaines de dollars par mois. Les blessés ? Considérés comme inutiles, ils sont abandonnés. Une fois, j’étais avec un ami quelque part à Kinshasa pour boire un verre, quand tout à coup, j’ai aperçu un blessé de guerre en train de mendier. Tellement de sentiments se manifestaient en moi, un mélange de honte, tristesse et colère. Cet homme, aurait pu être mon père…
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