Article 2 - La fin du règne de Mobutu

Durant la deuxième partie des années 90, le pouvoir de Mobutu commence à faiblir. Il faut dire qu’après la guerre froide, les grandes puissances voulaient se débarrasser des dictateurs qu’elles avaient soutenu dans le passé. 

Alors frappé d’un cancer depuis plusieurs années, Mobutu doit subir une intervention chirurgicale en Suisse. Convalescent en Europe, il retourne dans son Zaïre lorsqu’il apprend l’avancée vers Kinshasa de rebelles regroupés sous le nom d’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). Sous couvert d’un mouvement congolais, l’AFDL était en réalité une initiative des Banyamulenge, des congolais d’origine tutsi et défendant les intérêts tutsis. 

À la tête de cette alliance, Laurent Désiré Kabila, soutenu par l’Ouganda et le Rwanda mené par Kagame, qui lui promet de faire fuir Mobutu et l’accès au pouvoir. Nous découvrirons plus tard que d’autres pays semblaient soutenir aussi cette rébellion. 

Lors de cette avancée des rebelles AFDL en direction de Kinshasa, plusieurs combats ont eu lieu faisant de nombreuses victimes. L'AFDL, soutenu par le pouvoir de Kigali, allait de victoire en victoire car les forces armées zaïroises (FAZ) étaient affaiblies. 

En décembre 1996, Mobutu lâche cette phrase mythique dans un discours à la nation : « Ils ont choisi le moment où je suis terrassé par la maladie pour me poignarder dans le dos. »   

Une lettre de Mobutu adressée à son vieil ami Jacques Chirac concernant la crise politique et sécuritaire au Zaïre pointe du doigts les pays qui ont été derrière Kabila et son accès au pouvoir (lettre du 11 mai 1997)

“Monsieur le Président,

Avant toute chose, je tiens à vous présenter mes salutations sincères. A vous, tout autant qu'à Madame votre épouse. Au nom de la très longue amitié qui nous lie depuis plus d'une décennie.

Aujourd'hui, la situation est pénible pour moi. Devant la gravité du moment. D'abord, au niveau de mon pouvoir où j'ai perdu l'efficience sur la population. Ensuite, au niveau militaire, il m'est impossible de freiner l'avancée des rebelles vers Kinshasa qu'ils peuvent atteindre à n'importe quel moment.

S'agissant de Kinshasa, je ne peux favoriser un bain de sang inutile. Car, en tout état de cause les rebelles l'atteindront bien. Tout étant affaire de temps.

Faut-il vous rappeler que je fais face à une guerre injuste ? Aujourd'hui, les Etats-Unis et la Grande Bretagne par l'intermédiaire de l'Afrique du Sud, de l'Ouganda, du Rwanda et de l'Angola utilisent le chef de bande Laurent Désiré Kabila pour me poignarder dans le dos profitant de ma maladie.

Autrefois, les Etats-Unis ont été mes alliés, souvenez-vous de l'épisode angolais. Je me réserve le droit de publier dans les prochains jours mes mémoires. Alors, le monde entier saura enfin des vérités insoupçonnées jusqu'ici.

Mon ami, vous savez aussi bien que moi que le chef de bande Laurent Désiré Kabila est une personnalité douteuse, génocidaire et inappropriée pour diriger le Zaïre comme chef de l'Etat. J'ai tout essayé pour empêcher cela. Mais ses maîtres occidentaux, les Etats-Unis en l'occurrence le soutiennent et l'encouragent dans cette voie.

Devant l'obstination américaine et la dégradation continue de mon état de santé, je suis obligé de vous annoncer mon intention de transférer le pouvoir à Kabila lors de notre prochaine rencontre sur Utenika le 14 mai prochain.

Que Dieu aide le Zaïre”

Après plusieurs essais de négociations infructueuses entre Mobutu et l’AFDL, l’Alliance finit par chasser Mobutu. Une fois à Kinshasa les forces armées zaïroises n’ont pas voulu combattre pour éviter des bains de sang inutiles. Celui qu’on appelait le léopard du Zaïre part alors en exil au Maroc où sa vie prendra fin quelques mois plus tard.

Laurent Désiré Kabila, alors porte-parole des AFDL, accède au pouvoir en s’autoproclamant président de la République le 17 mai 1997. Le Zaïre devient République Démocratique du Congo et de nombreux postes clés du gouvernement se retrouvent entre les mains de Tutsis. L’influence du Rwanda et de Kagame était si forte qu’un rwandais, James Kabarebe, prend le commandement des armées congolaises. Il est d’ailleurs maintenant devenu ministre de la défense au Rwanda.

Mais l’alliance entre Kabila et le Rwanda et l’Ouganda ne durera pas très longtemps. En effet, une fois au pouvoir, LD Kabila se rend vite compte du plan qui se cachait derrière l’appui qu’il avait reçu de ses parrains rwandais et ougandais : amener au pouvoir une personne facilement manipulable pour pouvoir mieux exploiter les minerais de la RD Congo mais aussi le velléité expansionniste qui anime les nouveaux dirigeants rwandais.

Certains analystes politiques appuient cette thèse par le piège qui se trouve dans les accords qui ont été signés à Lemera lors de la création de l’AFDL en automne 1996.

Ceux-ci prévoyaient qu’une fois que l’alliance aurait gagné le pouvoir, le Zaïre devrait céder 300 km aux frontières à l'est, région très riche en minerais stratégiques, pour protéger les voisins rwandais, burundais et ougandais contre les rebelles. Tout cela soit disant au nom du panafricanisme.

Comprenant la supercherie, LD Kabila refuse de respecter ces accords au risque de livrer le pays aux mains des tutsis des pays alentours. LD Kabila se retourne contre ses alliés d’hier qui l’ont mené au pouvoir et pousse la population à faire preuve de sursaut patriotique. Au cours de ses sorties médiatiques, LD Kabila a reconnu les erreurs commises et prononcé des phrases qui restent gravées dans la mémoire collective du peuple congolais. 

« Nous n’étions qu’un conglomérat d’aventuriers », « Ne jamais trahir le Congo », « Le peuple doit se mobiliser dans tous les villages, prendre les armes même traditionnelles, les flèches, les lances pour chasser l’ennemi. Sinon, nous deviendrons les esclaves des Tutsis. » 

Après ces déclarations, tout le monde a été surpris de voir tour à tour les postes se vider. Ceux-là que nous pensions être des congolais regagnaient Kigali. Entre autres, le commandant des armées congolaise, James Kabarebe. 

Il faut noter que, lorsque les tutsis sont évoqués dans ce blog comme étant à la base de la crise à l’Est du Congo, je ne parle pas de l’ensemble de la population tutsi, mais plutôt des dirigeants d’origine tutsi qui ne représentent pas forcément la majorité.

Suite à ce retournement de LD Kabila en 1998, un soulèvement contre son gouvernement éclate à l’Est de la RD Congo. Les rebelles, cette fois-ci regroupés sous le nom de Rassemblement congolais pour la Démocratie (RCD) occupent une importante partie du pays. À ce moment-là, plusieurs pays proposent leur soutien à LD Kabila. Entre autres, L’Angola, la Namibie, le Tchad et le Zimbabwe. Le Rwanda et l’Ouganda de leur côté se retrouvent de nouveau du côté du mouvement rebelle.

Ce conflit, qu’on appellera “2ème Guerre du Congo”, durera plusieurs années et coûtera la vie de Laurent Désiré Kabila en janvier 2001.